Bonjour à tous,  Sur le chemin du retour après le travail vendredi dernier, je suis au terminus de la ligne 3 à Marcel Paul. J'attends...

Céline

 


Bonjour à tous, 

Sur le chemin du retour après le travail vendredi dernier, je suis au terminus de la ligne 3 à Marcel Paul. J'attends de longues minutes, j'observe, je laisse passer un tram, un second ... J'aperçois un homme sur le quai qui ne bouge pas, je l'aborde : " Je vous connais, j'ai vu votre tête dans le journal ... Mais ça ne sera pas moi ! Pourquoi ? J'ai passé une très mauvaise journée et je n'ai pas la tête à ça, désolé. "
C'est la première fois en 10 ans qu'on me reconnait mais que l'on refuse, c'est une première ! Je ne le prends pas mal : cet homme a sûrement ses raisons, ni une ni deux je saute dans le tramway et je décide d'aborder la première personne que j'apercevrai dans la rame de tramway.

Je vous présente Céline, 45 ans.

" Moi ? Faut que ça tombe sur moi ! (rires) Je n'ai qu'un arrêt, c'est pas grave ? "

Dans la vie Céline est aide-soignante : " 17 ans que je fais ça ! Et j'adore toujours autant ce métier, même si c'est pas toujours simple. Pourquoi j'aime mon métier ? Le contact avec les gens ! Je travaille en EHPAD. Je ne suis pas une machine, j'aime prendre du temps pour les autres, m'occuper des personnes âgées. Tu sais, beaucoup sont seules, ont une famille loin ou n'ont plus/pas de familles : donc on est là, nous les aides-soignantes. "

Je lui demande si on s'attache ou non à ces personnes ? 
" Tu sais, il y a la distance professionnelle ! Bon... ça c'est en théorie tu l'imagines bien. On essaie de garder nos distances mais on est humain et quand une personne part, malgré cette distance qu'on tente de mettre ça ne marche pas toujours. Alors cette peine qu'on ressent on essaie de passer au dessus : c'est dur quelques jours et puis on n'y pense plus et on dépasse ça en mettant du cœur dans notre métier auprès des autres résidents. " 

Je lui demande de m'apprendre un truc sur son métier d'aide-soignante : " Il faut de la bienveillance, de la patience, de l'écoute (beaucoup), savoir s'adapter et ne jamais être dans le jugement. On est aussi beaucoup en relation avec les familles. Souvent elles nous appellent pour prendre des nouvelles, savoir comment les personnes vont, poser des questions sur les traitements, etc. " 

Céline aime : " L'aquagym, faire du vélo, les randonnées, aller au cinéma/théâtre et passer du temps avec la famille. "

Elle n'aime pas : " Je déteste le racisme, les insultes, la violence !
Un truc que je n'aime pas manger ? Les aubergines ! (rires) Depuis toute petite je déteste ce légume. "

" Es-tu heureuse aujourd'hui, là maintenant ?
- Oui ! J'ai un nouvel homme dans ma vie, on est amoureux, il est bienveillant ... On se soutient mutuellement. J'ai été victime pendant des années de violences conjugales et ça fait un bien fou d'être aimée et d'avoir dans sa vie quelqu'un de bienveillant ! " 

Le mot de la fin ? 
" Il faut savoir s'entraider dans la vie ! Que ce soit dans la famille ou les amis. 
Je vais te raconter une anecdote. Il y a peu de temps j'allais au travail et ma voisine m'a appelée pour que je la dépanne de quelques euros. Elle était ennuyée, il lui fallait cette petite somme ... j'ai fait un crochet pour me rendre où elle était, et lui rendre ce service. 
J'allais au travail, j'aurais pu lui dire que je ne pouvais pas ... Mais on est amies et on s'aide entre nous, on se serre les coudes. Elle m'a remboursée, bien évidemment ! 
Pareil, il y a un SDF que je vois régulièrement dans le centre-ville, on se parle de temps en temps, on prend des nouvelles l'un de l'autre et quand j'ai un peu de sous, je l'aide. 
- J'ai le sentiment, dis-moi si je me trompe, que tu as besoin d'aider ?
Je vois ses yeux briller.
- Je me confie à un inconnu c'est dingue ! Mon histoire est particulière : à 28 ans je quittais la Réunion et je connaissais un pharmacien. Je le connaissais comme ça, on n'était pas proche, et un jour en discutant avec lui il a su que venais en métropole et que je cherchais un logement. Il m'a proposé le logement qu'il avait à Saint-Sébastien, il m'a même offert plusieurs mois de loyers, m'a soutenue ... Il a changé ma vie ! Pourtant c'était 'presque' un inconnu. Et bien quand dans ta vie, tu rencontres quelqu'un d'aussi généreux, tu te dois de rendre la pareille chaque jour, même si tu ne gagnes pas beaucoup. Je ne gagne que 1 500€, je ne roule pas sur l'or mais dès que je peux aider je le fais avec bon cœur.
Et le plus fou c'est que ce pharmacien, quand il vient pour des colloques il m'appelle et on se voit toujours, on prend des nouvelles l'un de l'autre depuis bientôt 20 ans. "

Merci Céline pour ta gentillesse, et la fin de l'interview sur le quai. J'espère qu'un jour nous nous recroiserons !


A. 

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